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Lignes en HF, quelques idées reçues
Jean-Pierre Bourdier F6FQX et Robert Berranger F5NB
F5NB : Cherchant dans mes brouillons d'articles matière à parution, j'ai retrouvé une correspondance
avec F6FQX que nous avions eue à propos de l'un de mes articles sur la non matérialité de la
puissance réfléchie dans une ligne HF. Je me suis dit que son message ferait un excellent article et
je l'ai transcrit sous une forme publiable avec l'accord de Jean-Pierre.
F6FQX : Les lignes ont été étudiées en C’est faux en ce qui concerne le L’erreur commise a deux origines :
détail depuis une centaine d’années : générateur. Prenez un émetteur l'une est liée au langage (puissance
la problématique était celle du dont la notice vous dit que son est un mot souvent employé pour
transport d’un signal HF dans les impédanc sorti est 5 Ω, désigner n’importe quoi, y compris
meilleures conditions possibles (en raccordez y un coaxial de 100 Ω, des tensions « le réseau 220 volts
minimisant pertes et distorsion) lui-même raccordé à une antenne est plus puissant que le réseau
entre un générateur (émetteur en de 100 Ω. Le ROS dans la ligne sera 110 volts… », l'autre est mathéma-
émission, antenne en réception) et de 1, et pas de 1,5. tique : champs, tensions et intensi-
une charge (antenne en émission, Le ROS ne dépend que de deux fac- tés s’ajoutent mais les puissances,
récepteur en réception). teurs : l’impédance d’entrée de la qui sont, elles, du second degré,
charge et l’impédance caractéris- ne s’ajoutent pas quand on ajoute
Pour les professionnels, la résolution tique de la ligne. les champs, les tensions ou les cou-
théorique du problème a été rendue
possible en utilisant les bons outils Alors, pourquoi vouloir adapter rants. On y reviendra plus loin.
(équations de Maxwell, analyse vec- émetteur et ligne ? Simplement 4 – Pour comprendre ce qui se
torielle complexe). parce qu’un émetteur est conçu passe dans une ligne, il suffit
Malheureusement, ces outils théo- pour travailler dans certaines d’imaginer un signal partant
riques sont souvent peu familiers conditions et que s'en éloigner du générateur, se propageant
aux radioamateurs qui, malgré eux, peut amener des déconvenues : jusqu’à la charge sur laquelle il
se font souvent des idées fausses. si le moteur de votre voiture est se réfléchit, puis revenant dans
Idées fausses, qu’on trouve pour- conçu pour tourner à 3000 tours/mn l’autre sens jusqu’au généra-
tant exprimées dans la littérature et que vous le faites tourner à teur, sur le quel il se réfléchit
OM la plus sérieuse (je pense à QST, 9000, il peut arriver des choses… de nouveau, puis repartant vers
aux Handbooks de l’ARRL, aux 3 – Dans une ligne où le ROS est la charge, et ainsi de suite.
notices d’appareils) . différent de 1, il y a de la puis- C’est faux, pour plusieurs raisons :
(1)
Nous allons citer quelques-unes de sance directe circulant dans un La première est que les seuls outils
ces idées reçues. sens et de la puissance réfléchie utilisables pour analyser un phéno-
circulant dans l’autre sens. mène électromagnétique compli-
1 – Une ligne HF est constituée La preuve : c’est que certains qué comme celui de la propagation
de 2 conducteurs en regard (âme ROS-mètres (à aiguilles croisées
et gaine d’un coaxial, fils d’une par exemple) portent explici- sont les équations de Maxwell.
Or,
sont
opérationnelles
elles
ne
échelle à grenouilles), les inten- tement les indications « direct (« intégrables » comme on disait
sités en regard sont égales et power » et « reflected power ». dans les écoles d’ingénieurs il y a
opposées, donc l'un des conduc- C’est faux. L’énergie (qui est de la
teurs sert à propager les ondes puissance intégrée sur une durée) 50 ans) que pour des régimes per-
manents et sinusoïdaux.
et l’énergie du générateur vers la ne circule que dans un sens, du Ce n'est pas le cas quand on envoie
charge et l’autre sert de retour. générateur vers la charge. un signal sur une ligne et qu’on le
C’est faux. La propagation des C’est par abus de langage que l’on fait « rebondir » successivement
ondes et de l’énergie ne se fait pas parle de « direct power » et de à chaque extrémité. On est alors
dans les conducteurs mais dans le « reflected power » car, en fait, dans un régime transitoire, celui
diélectrique entre eux (et autour on mesure des tensions et non des impulsions (même des artifices
d’eux dans le cas de l’échelle à des puissances : d'une part la ten- mathématiques comme les trans-
grenouille). L’énergie ne va que sion de l’onde directe, et d'autre formées de Fourrier ne permettent
du générateur vers la charge (on y part celle de l’onde réfléchie que pas de rendre sinusoïdaux de tels
reviendra plus loin) et l’intensité l’on reconstitue d’ailleurs à partir signaux).
dans les conducteurs se propage de la tension et de l’intensité de La seconde raison est d’ordre pra-
sous forme d’onde dans le même l’onde résultante puisqu’on ne sait tique : Que signifie « le signal est
sens, pour les deux fils (le signe de pas séparer les deux ondes (si on
I n’a rien à voir avec son sens de savait le faire, on saurait produire réfléchi, par la charge à l’aller et
par le générateur au retour » ?
propagation). de l’énergie à partir de rien, car
avec 300 watts de « direct power » et Que se passe-t-il pratiquement
2 – Le ROS dans une ligne dépend 200 de « reflected power » qu’on quand un signal arrive sur un
de 3 facteurs : l’impédance séparerait avant de les ajouter condensateur par exemple ?
caractéristique de la ligne, l’im- dans le bon sens, on obtiendrait Le condensateur se charge, mais en
pédance d’entrée de la charge, 500 watts là où l'on n’en avait que quoi cela donne-t-il lieu à réflexion
l’impédance de sortie du générateur. 100 au départ…). du signal ?
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